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Un doux printemps moins sucré pour les érablières

le mercredi 05 mai 2021
Modifié à 18 h 07 min le 30 avril 2021
Par André Morissette de EC2

amorissette@ec2finance.com

L’arrivée hâtive du beau temps n’a pas fait l’affaire de tous. Avec des températures inhabituellement chaudes ce printemps, des acériculteurs de Montérégie se sont retrouvés avec une faible production de sirop d’érable et peu d’options sauf la fermeture précoce de leur saison. Heureux de voir une demande accrue pour leurs produits pendant la pandémie, les propriétaires de la Belle vie en sucre, une cabane située à Mercier, n’ont toutefois pas été capables de satisfaire tous leurs clients. «Ç’a été une saison catastrophique. On n’a pas fait la moitié de notre production, déplore la propriétaire Christine Lacroix. Nos ventes sont excellentes, c’est juste que je ne suis pas capable de fournir parce qu’on n’avait pas assez de sirop», dit-elle. Trop chaud L’entreprise familiale n’a pas été trop affectée par les restrictions de la COVID-19, puisqu’elle n’offre pas de repas de cabane à sucre. Le couple se concentre plutôt sur les produits d’érable. En fait, sa visibilité a grandi grâce aux réseaux sociaux et à une campagne de la Ville de Mercier pour promouvoir les commerces de la région. Le seul problème : le climat. Les érables ont besoin d’environ 10°C de différence entre le jour et la nuit pour produire des coulées abondantes. «Il a fait chaud à la mi-mars. Ç’a tout modifié le cours du reste de la saison», explique Mme Lacroix. Leurs érables ont coulé pendant quatre semaines au lieu de huit, leur temps de production habituel depuis que l’entreprise a repris les opérations il y a cinq ans. C’est une tendance qui a été remarquée partout dans la région. Selon les Producteurs et productrices acéricoles du Québec, la Montérégie a récolté 50% moins de sirop d’érable que l’année dernière. La hausse du mercure a également eu des effets sur les clients , indique Louis Desgroseilliers, propriétaire de l’érablière Domaine Labranche. Située à Saint-Isidore, l’entreprise familiale a commencé à préparer des repas pour emporter en 2020 quand les salles à manger ont été fermées. [caption id="attachment_12930" align="alignnone" width="444"] Le Domaine Labranche prépare des repas pour emporter depuis 2020, indique le propriétaire Louis Desgroseilliers. (Photo: Archives)[/caption] «On a toujours vu, nous, la saison des sucres comme un accompagnement, explique M. Desgroseilliers. On est là pour accompagner les gens dans la transition entre l’hiver et le printemps. Quand on est rendu à 15, 16, 17 degrés, le printemps est arrivé. Autrement dit : c’est fait, et là, les gens passent ailleurs». L’érablière a terminé sa saison des sucres le 11 avril, alors qu’elle dure généralement jusqu’à la troisième semaine d’avril. M. Desgroseilliers soutient que c’est surtout la diversification de leurs activités avec la production d’alcool et de pommes, qui leur permet de passer à travers cette période difficile. Intérêt pour la cabane à emporter Elle a aussi bénéficié de la publicité liée à la campagne Ma cabane à la maison, lancée cette année. Le projet a réuni près de 70 cabanes à sucre qui vendaient leurs repas pour emporter à travers un portail virtuel. Le Domaine Labranche n’a pas participé car il avait déjà sa propre plateforme, mais il a ressenti un «effet collatéral positif», indique M. Desgroseilliers.

«On s’attendait à une meilleure saison que l’année passée, mais je pense que ç’a été fortement influencé par la température», dit-il.
Leurs ventes de repas se sont maintenues pareilles à l’année dernière, mais elles ont été trois fois plus petites qu’avant la pandémie. Le propriétaire affirme qu’il fera une demande d’aide financière au gouvernement provincial, qu’il qualifie d’«essentielle». En ce qui concerne le prochain temps de sucres – tradition récemment désignée patrimoine immatériel du Québec, Louis Desgroseilliers n’envisage pas un retour complet à la normale. Il aimerait voir une formule hybride comportant non seulement de la nourriture à emporter, mais aussi un nombre restreint de personnes qui pourraient visiter la cabane. «De faire une autre saison, une 3ème saison sans repas en salle à manger, ce serait une très mauvaise nouvelle», exprime-il. Une année à oublier Selon Serge Beaulieu, président de l’organisation des Producteurs et productrices acéricoles du Québec, 2021 serait «une année à oublier». Elle suit une saison record de production de sirop d’érable en 2020 au Québec, avec plus de 175 millions de livres récoltées dans l’ensemble de la province. «Ce qui vient nous réconforter, c’est qu’on a au moins quatre ou cinq années de bonne production dans la région», dit-il.