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Trois histoires d’intégration au travail réussies

le vendredi 24 septembre 2021
Modifié à 0 h 00 min le 08 février 2022
Par Audrey Leduc-Brodeur

aleduc-brodeur@gravitemedia.com

Zinaida Glazirina et Maryse Désormeaux. (Photo: Le Reflet - Denis Germain)

Alors que la pénurie de main-d’œuvre plombe la relance économique, l’entreprise d’insertion sociale Jute et cie à Sainte-Catherine, qui a pour mission de faciliter l’intégration au travail, encourage les employeurs à se tourner vers ses membres. Trois d’entre eux se sont ouverts sur leur parcours.

Franchir la barrière de la langue

Zinaida Glazirina est mère monoparentale de quatre enfants et s’exprime difficilement en français lorsqu’elle entame sa recherche de travail dans la région en 2018. Ses démarches s’avèrent toutefois infructueuses. Aucun employeur n’est prêt à lui offrir la flexibilité qu’elle souhaite pour concilier travail et famille, puis son diplôme en gestion de documents et d’archives acquis dans son pays natal n’est pas reconnu au Québec.

«Pour une personne immigrante sans expérience qui parle peu français, se trouver un emploi est extrêmement difficile», explique celle qui dialogue désormais avec une certaine aisance dans la langue de Molière.

Une amie au courant de l’existence de Jute et cie lui suggère de prendre contact.

«Cette découverte est arrivée au bon moment dans ma vie, confie-t-elle. Je ne sais tout simplement pas ce que j’aurais fait sans les intervenants. C’est en arrivant chez Jute que j’ai pris confiance en moi.»

«Ça demande de la patience et de l’entraide à l’employeur pour les intégrer, mais il sera assurément gagnant au bout de la ligne.» -Maryse Desormeaux, chargée de projets

Après quatre mois, Mme Glazirina se sent prête à visiter des lieux de travail adaptés à sa situation familiale. Un entretien concluant avec la compagnie de confection de vêtements thérapeutiques et compressifs CDRM à La Prairie la convainc.

«Je ne pensais pas du tout que j’allais pouvoir gagner ma vie en effectuant ce travail, explique la nouvelle couturière. Si j’ai réussi, c’est grâce à Jute, car on m’a aidée à m’intégrer dans la communauté et à développer mes capacités.»

Elle entamera bientôt des cours de francisation, dévoile son employeur.  

«Zinaida avait la barrière de la langue à son embauche, mais ce n’est pas un obstacle pour fabriquer des gants, fait remarquer Maryse Desormeaux, chargée de projets chez CDRM. Ce n’est peut-être pas la plus rapide, mais son travail est toujours impeccable. Elle se sent valorisée et je pense qu’une tape dans le dos est parfois plus importante que le salaire.»

Mme Desormeaux estime que les employeurs comme le sien n’ont rien à perdre à en embaucher. Elle croit que d’autres devraient s’y tourner pour pallier la pénurie de personnel.

«Ce n’est pas tout le monde qui aime faire des tâches routinières et celles-ci peuvent leur convenir», fait-elle valoir.

Trouver son emploi de rêve

Georgi Gergov est désormais heureux de se lever le matin. Ce sentiment en apparence simple cache toutefois un parcours parsemé de défis qu’il a surmontés à force de détermination. En 2020, il rêve d’un emploi dans le domaine de l’informatique, mais son passé de décrocheur scolaire lui nuit. Avec l’aide du Carrefour jeunesse-emploi de Châteauguay et de Jute et cie, il obtient son diplôme d’équivalence de cinquième secondaire. L’entreprise en technologies interactives MiroAr à Vaudreuil-Dorion lui offre alors la chance de se faire valoir.

«Nous étions si fiers de lui, puisque ça démontre que les efforts donnent des résultats, souligne Mme Daoust-Ranger. Sa personnalité, son intelligence, sa rapidité d’apprentissage et ses capacités de testeur informatique conviennent parfaitement à ce travail.»

«J’avais un but en tête: c’était de me réveiller avec le sourire, avoue pour sa part le résident de Châteauguay en anglais. J’étais déterminé, je ne voulais pas autre chose que d’obtenir ce travail.»

Découvrir ses passions et son potentiel grâce à ces ressources a été salvateur, ajoute-t-il.

Combattre l’anxiété

En 2018, les troubles d’anxiété de Guillaume Merenna sont si lourds qu’ils le freinent dans son développement.

«J’étais incapable de conduire sur l’autoroute ou la route 132», confie-t-il. Aujourd’hui, le résident de Candiac s’en dit libéré «et c’est parce que des ressources comme Jute et cie m’ont soutenu», estime celui qui n’a plus besoin de prendre de médication. Il a été engagé par une entreprise de carrosserie à Sainte-Catherine et travaille 40 heures par semaine. Chaque vendredi, il termine sa journée en faisant un arrêt chez Jute et cie pour prendre de leurs nouvelles.

Jute et cie en quelques lignes

Fondée en 1999, la compagnie tient son nom de sa production d’objets en jute. Confrontée à la baisse de popularité de ce matériau au fil des ans, elle a dû se tourner en 2007 vers la sous-traitance de menus travaux. Des personnes immigrantes, ayant un handicap, vivant avec un trouble de santé mentale ou ayant peu de scolarité, notamment, sont passées par le local situé rue Jean-Lachaîne. Elles y font leur nid pour mieux le quitter, puisque Jute et cie se veut d’abord un tremplin.

«On aide les gens en les engageant pendant six mois, puis on travaille ensemble sur ce qu’ils peuvent améliorer afin qu’ils trouvent un emploi ailleurs à long terme. Toutes les personnes en situation d’exclusion sont les bienvenues chez nous», affirme Jacynthe Daoust-Ranger, intervenante psychosociale.

Les fondatrices Anne Bellemare et Manon Rose prendront leur retraite à l’automne, laissant derrière elles une équipe bien en selle, confie Mme Daoust-Ranger.