Chroniques

Se doter d’une politique d’entreprise en matière de cannabis: que faut-il savoir ?

le lundi 12 novembre 2018
Modifié à 5 h 19 min le 12 novembre 2018
Une chronique de Me Nathalie Aubé, avocate en droit du travail, de Lacasse Avocats Moins d’un mois s’est écoulé depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur le cannabis (1) du gouvernement fédéral et également de la loi québécoise (2) et déjà, deux recours contestant les articles de la loi québécoise interdisant la promotion du cannabis et la culture du cannabis à domicile ont été déposés devant la Cour supérieure du Québec. Les nombreuses restrictions imposées par la loi québécoise ne font clairement pas l’unanimité. Il y a une claire polarisation des opinions dans la population, mais également au sein de la communauté juridique concernant la portée de l’atteinte de la loi sur les droits et libertés. Plusieurs entreprises se demandent à juste droit comment se positionner face à cette loi qui permet aux employeurs de restreindre voire interdire la consommation du cannabis sur les lieux du travail en vertu du droit de gérance de l’entreprise (3). Puisque ce droit n’est pas absolu et doit s’exercer dans le respect des droits et libertés de la personne, comment savoir ce qu’une entreprise peut valablement prévoir dans une éventuelle politique encadrant la cannabis que ce soit sur les lieux du travail ou même en matière d’embauche? La principale considération sur laquelle repose alors l’exercice de ce droit par l’entreprise est en lien avec la santé et de sécurité au travail. Cette appréciation doit donc se faire en prenant en compte la nature des activités de chaque entreprise. Il n’existe pas de modèle ni de règle unique. Tout s’évalue au cas par cas. Il est facile de concevoir qu’une entreprise employant des opérateurs de chariot élévateur se dote d’une politique de tolérance zéro en matière de cannabis. Mais qu’en est-il des entreprises dont la nature des activités n’est pas aussi évidente? Le droit de restreindre ou d’interdire le cannabis s’assortit d’une obligation corollaire de respecter les droits et libertés individuelles. La prudence est de mise. Un exercice de réflexion est à faire par les dirigeants désirant encadrer le cannabis au sein de leur entreprise. Établir les besoins en matière de santé et de sécurité, comprendre le cadre légal qui s’applique à l’entreprise, évaluer la politique envisagée au regard des droits et libertés sont quelques-unes des nombreuses considérations à garder en tête. L’entreprise doit être en mesure de défendre la nécessité de sa politique pour en justifier l’existence. Une politique en matière de cannabis qui reposerait sur des risques hypothétiques pourrait fort bien être jugée abusive. Si pour certaines entreprises il existe dès maintenant un besoin réel de se doter d’une politique d’entreprise pour encadrer le cannabis, pour bon nombre, il pourrait s’avérer sage de se prêter à un exercice de réflexion et d’analyse préalablement. Pour plusieurs dirigeants l’exercice d’analyse peut s’avérer difficile à faire si on prend en compte le nombre de principes généraux et légaux à considérer. En cas d’incertitudes, s’informer auprès de personnes spécialisées et de s’entourer des bonnes ressources peut s’avérer une décision stratégique et bénéfique. Considérant les coûts potentiels engendrés par le dépôt de plaintes ou des recours en contestations à l’encontre d’une politique d’entreprise incomplète et adoptée à la course, bien faire les choses s’avère donc une nécessité pas une option même si cela requiert temps et investissement (4). Note : L’utilisation du genre masculin a été adoptée afin de faciliter la lecture et n’a aucune intention discriminatoire. (1) L.C. 2018, ch. 16_ C-24.5 (2) Loi encadrant le cannabis, chapitre C-5.3 (3) Article 21 de la Loi encadrant le cannabis (4) Note: Le 15 novembre, de 8h30 à 10h, se tiendra la conférence Cannabis – Employeurs, êtes-vous bien informés? Prêts à gérer? Pour plus d’informations, contactez-nous ou visitez notre site internet au www.lacasseavocats.com.