Chroniques

Rendement insuffisant vs manquement disciplinaire: une distinction à faire en matière de fin d’emploi

le lundi 09 juillet 2018
Modifié à 10 h 23 min le 09 juillet 2018
Une chronique de Nathalie Aubé, avocate en droit du travail, Lacasse Avocats Depuis le début de l’année 2018, le taux de chômage au Québec s’établit en moyenne à 5,4% (voir note 1), son plus bas taux des cinq dernières années (voir note 2). Face à une diminution de la main-d’œuvre disponible, l’employeur doit choisir parmi les candidatures qu’il reçoit et le candidat idéal n’est pas toujours au rendez-vous. Il peut en découler qu’au fil du temps, les relations de travail prennent une tournure qui n’était certes pas celle souhaitée lors de l’embauche. Tout comme un employé a le droit de quitter l’emploi, un employeur peut également y mettre fin. Dans un cas comme dans l’autre, l’idée est de bien faire les choses pour s’éviter des ennuis par la suite. Un employeur insatisfait peut mettre fin à l’emploi pour des manquements disciplinaires ou pour des manquements administratifs. Ces deux bases de congédiement obéissent à des règles différentes. Un manquement disciplinaire est une décision volontaire de l’employé d’agir incorrectement, un manquement administratif découle plutôt d’un comportement non fautif du salarié qui est incapable ou incompétent au travail, mais à qui l’employeur n’a aucun reproche disciplinaire à formuler. Le droit est clair: avant de congédier un employé, il faut tenter de corriger la situation. En matière disciplinaire l’employeur doit sanctionner le comportement fautif de manière progressive. On parle de «gradation des sanctions» (voir note 3). On donnera un avertissement verbal, puis un avertissement écrit. On pourra par la suite imposer une première suspension puis une suspension plus longue et ultimement viendra le congédiement. En matière administrative d’incompétence ou d’insuffisance du rendement, on ne parle pas de sanction et avant de congédier un salarié, l’employeur doit satisfaire à cinq exigences (voir note 4): - Le salarié connaissait les politiques de l’entreprise et les attentes fixées par l’employeur à son endroit; - Les lacunes du salarié lui ont été signalées; - Le salarié a obtenu le support nécessaire pour se corriger et atteindre ses objectifs; - Le salarié a bénéficié d’un délai raisonnable pour s’ajuster; et - Le salarié a été prévenu du risque de congédiement à défaut d’amélioration de sa part. Il est donc impératif pour l’employeur d’identifier dès le départ si la problématique de son salarié est de nature disciplinaire ou administrative afin d’appliquer la bonne procédure de redressement avant d’en venir au congédiement. L’employeur doit aussi consigner dans le dossier d’emploi du salarié les avertissements et documenter les mesures disciplinaires ou, en matière administrative, ses notes de rencontres avec le salarié ainsi que l’avertissement final du risque de congédiement. Ce faisant, l’employeur pourra démontrer le bien-fondé du congédiement si le salarié décide de porter plainte auprès de la CNESST (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail) ou dépose un grief auprès de son syndicat. L’utilisation du genre masculin a été adoptée afin de faciliter la lecture et n’a aucune intention discriminatoire. L’information transmise dans ce texte ne constitue pas un avis juridique. Un employeur qui entretient un doute quant à la décision de congédier un salarié devrait préalablement demander conseil afin de s’assurer de respecter les lois et les règlements. 1- Résultats de l’Enquête sur la population active pour le Québec Données désaisonnalisées de mai 2018, Institut de la statistique du Québec 2- Statistiques Canada en ligne : https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=1410001801&pickMembers%5B0%5D=1.6&pickMembers%5B1%5D=2.8 3- Une dérogation à ce principe s’applique en présence d’une faute lourde ou grave de l’employé par exemple le vol, la fraude et le harcèlement sexuel. On pourrait alors congédier l’employé sur-le-champ. 4- Consacrées par la Cour Suprême du Canada dans A.U.P.E. c, Lethbridge Community College, 2004 CSC 28.