Chroniqueurs

Les vins grecs d’appellations Sithonie et Côtes-de-Meliton

le mercredi 25 août 2021
Modifié à 16 h 05 min le 27 août 2021
Par Jessica Harnois et Mariève Isabel

marieve.isabel@mail.mcgill.ca

Les vins s vins grecs gagnent à être connus et méritent amplement leur place sur votre table. (Photo gracieuseté)

Vous avez peut-être vu passer des photos sur nos réseaux sociaux : nous revenons de Grèce! Cette semaine, on vous parle de ce voyage, question de vous faire rêver mais surtout de vous faire découvrir des vins qualitatifs et à très bons prix. On va se le dire : ces vins gagnent à être connus et méritent amplement leur place sur votre table et même dans votre cellier.

La Sithonie et les Côtes-de-Meliton

Alors que la troisième vague de COVID-19 continuait de s’aplatir cet été, certains en ont profité pour reprendre les voyages de découvertes. Ainsi, une petite délégation québécoise, composée de Chris Dedes, Yves Mailloux (Club des dégustateurs de grands vins) et nous-mêmes (Jessica et Mariève), s’est rendue en Sithonie, dans le Nord-Est de la Grèce.

Comme on peut le voir sur cette carte, au Sud de la Macédoine, trois péninsules avancent dans la mer Égée, un peu comme une main dont le pouce et l’auriculaire seraient cachés. La Sithonie est la péninsule du centre. Les vins qui y sont produits peuvent porter l’Indication d’origine protégée (IGP) Sithonie ou encore l’Appellation d’origine protégée (AOP) Côtes-de-Meliton. Cette parcelle est située sur le côté ouest de la péninsule.

Climat et géographie

La Sithonie est une région semi-montagneuse, avec de modestes élévations pouvant atteindre 350 mètres. On y trouve beaucoup de petites vallées qui ne sont pas sans rappeler des amphithéâtres. Au creux de ces « bols » se trouvent des oliviers alors que les vignes s’alignent plutôt sur les côteaux, protégées par les forêts avoisinantes qui retiennent aussi l’humidité de la mer Égée.

Parcelle de vignoble et oliveraie à Halkidiki, au domaine Porto Carras, en Grèce. On peut voir la mer Égée en arrière-plan.

Parcelle de vignoble et oliveraie à Halkidiki, au domaine Porto Carras, en Grèce. On peut voir la mer Égée en arrière-plan. (Photo gracieuseté)

Ici, les températures peuvent facilement monter au-dessus des 30 degrés Celsius, voire friser les 40 degrés comme lorsque nous y étions (38 degrés avant l’humidex). Malheureusement, cette tendance s’accélère à cause des changements climatiques. C’est pourquoi on commence à penser à irriguer davantage les vignes. Il faut dire qu’on trouve dans cette région le plus grand vignoble bio de toute la Grèce (Porto Carras), aussi l’un des plus grands dans toute l’Europe. Jusqu’à maintenant, on y pratiquait une agriculture avec interventions minimales et sans irrigation. Or, après les chaleurs des dernières années, les viticulteurs doivent s’adapter à cette nouvelle réalité.

Des rouges de styles bordelais et des blancs aromatiques

L’histoire vinicole de la Sithonie remonte à plusieurs milliers d’années, mais son histoire moderne date des années 1960, quand le milliardaire Yiannis Carras, propriétaire de bateaux de croisière, se porte acquéreur de ces terres. Il y voyait un immense potentiel pour un vignoble. Afin de lancer son projet, il fait venir un célèbre œnologue de France, Émile Peynaud, de l’Université de Bordeaux. Le but de Carras est de démarrer une production de vins qui seraient plus aux goûts du jour et qui pourraient rivaliser avec les grands vins français et italiens de ce monde.

Si on parle d’ère moderne pour le vin en Grèce, c’est que, jusqu’aux années 1960, le retsina, un vin aromatisé à la gomme de conifère, dominait encore le marché des vins helléniques. Or, il s’agit d’un goût qui est loin de plaire à tous. M. Carras a préféré pour sa part créer un style bordelais avec un cépage autochtone, le limnio, auquel ses œnologues et conseillers ont ajouté du cabernet sauvignon, du cabernet franc et du merlot, créant un vin dense et complexe, bien structuré, pouvant se converser de longues années.

De gauche à droite : Note hôte grec, Konstantino Theodoridis, Mariève Isabel, Anna Moskvitina, Chris Dedes, Jessica Harnois et Yves Mailloux devant une parcelle d’Assyrtiko à Porto Carras. (Photo gracieuseté) 

Du côté des blancs, même si les styles diffèrent d’un cépage à l’autre, on peut s’attendre à des vins aromatiques et frais, parfaits pour les belles températures d’été comme on en retrouve en Grèce. Qui dit vin grec pense bien souvent à l’Assyrtiko et à sa minéralité tranchante, mais bien d’autres cépages sont aussi à découvrir, comme le malagousia, l’athiri et le rodotis, plus floraux.

Ces blancs s’accordent merveilleusement bien avec la nourriture méditerranéenne. Pensez poissons blancs grillés, salade de fromage de chèvre, fruits de mer ou encore légumes grillés et vous ne pourrez pas vous tromper.

Les vins du domaine Porto Carras

C’est au domaine Porto Carras que nous avons été reçus pour notre séjour. En plus de ses vignobles, Porto Carras est aussi un resort cinq étoiles qui reçoit des visiteurs de partout à travers le monde, à l’année. Nos journées se sont déroulées entre les vignes, le hall de dégustation Melissanthi et la plage, sans oublier les restaurants d’Halkidiki et de Neo Marmaras!  

Mariève Isabel et Jessica Harnois en compagnie de l’œnologue Eyfrossini Drossou (au centre) du domaine Porto Carras, avec quelques bouteilles de Malagouzia! (Photo gracieuseté)

Trois suggestions

Voici trois vins de Porto Carras que vous trouvez ou retrouverez bientôt en SAQ, section cellier. À vous d’en profitez pendant qu’il y en aura!

Malagouzia. (SAQ #14019677, 23,05$) L’histoire du cépage malagousia est très intéressante. La Grèce a beaucoup souffert des guerres depuis la conquête romaine jusqu’à l’indépendance du pays en 1832. Pendant cette longue période, beaucoup de cépages anciens se sont perdus. Dans les années 1970, un professeur de l’Université agricole de Thessaloniki décide de louer une parcelle à Porto Carras pour tester d’anciennes variétés de vignes qu’il recueille en parcourant la Grèce. Ainsi commence (ou recommence) l’histoire du malagousia, alors tombé dans l’oubli. D’abord utilisé en assemblage, il retient l’attention d’Evangelos Gerovassiliou, premier œnologue du domaine Porto Carras. Il commence à le produire en monocépage dans les années 1990. On dit que le malagousia de l’IGP Sithonia a le pouvoir d’un chardonnay et la fraîcheur d’un sémillon, en plus d’être aromatique et compatible avec la barrique. Aussi vieillit-il très bien. Vous pourrez le conserver facilement une dizaine d’années dans de bonnes conditions.

Melissanthi. (SAQ # à venir) Ce vin de l’AOP Côtes-de-Meliton est composé d’athiri, de roditis et d’assyrtico. Ce dernier cépage est davantage utilisé en assemblage en Macédoine, quoique Porto Carras en fasse un aussi un très bon monocépage. Le Melissanthi est élevé en cuve d’acier, ce qui lui confère une fraîcheur et une droiture nettes. Son nez est complexe, aromatique et floral, agrémenté de notes de fruits blancs et de noyau de pêche. Il est très sec (<1,2g/L) avec une légère amertume en finale. Il n’est pas encore en SAQ mais devrait y être dans les prochaines semaines.

Château Porto Carras Côtes-de-Meliton. (SAQ #10701329, 26,50$) Voici un rouge de type bordelais qui a fait la réputation de Porto Carras. Gardez l’œil sur les prochains arrivages (le millésime 2011 devrait arriver à la SAQ en septembre) et mettez la main sur quelques bouteilles pour votre cellier! Nous avons eu la chance d’en faire une dégustation verticale, en commençant par un vintage 1991. De toute beauté! L’assemblage 2011 respecte encore la recette d’Émile Peynaud. Dans sa robe rubis, il se déploie sur des notes légèrement animales qui ne sont pas sans rappeler celles des Bordeaux vieillis. Les tanins sont bien intégrés, fondus, et la structure est excellente.

 

Conclusion

Pour en savoir plus sur les vins de la Grèce, ou si vous prévoyez un voyage vinicole en Grèce quand toute cette histoire de pandémie sera derrière nous, nous vous suggérons fortement la lecture de cet ouvrage que Mariève, Chris et Yves avaient tous trois apporté avec eux dans leurs bagages!

C’est un incontournable lorsque vient le temps d’en apprendre sur les vins de la Grèce. L’auteur, Konstantino Lazarakis a non seulement une belle plume, mais on sent à travers son écriture tout l’amour et la passion que ce master sommelier ressent pour les vins de son pays natal. Vous commencerez à voyager avant même d’être parti, surtout si vous tenez dans votre main libre un verre de Malagouzia!

Sur ce, santé et bonnes découvertes!