Portraits

Les nombreux défis d’Exporail

le lundi 10 décembre 2018
Modifié à 6 h 08 min le 10 décembre 2018
Exporail, le Musée ferroviaire canadien, qui se consacre à la préservation et à la diffusion de l’histoire du chemin de fer, est l’une des plus importantes institutions muséales au pays. Nombreux sont les défis que la directrice générale Nadine Cloutier doit relever aux côtés de son équipe d’une dizaine d’employés permanents et de quelque 145 bénévoles. Q Quel est l’enjeu le plus important auquel doit faire face Exporail ? R Sécuriser notre financement. Depuis 2008, notre situation financière est la même, ce qui n’est pas réaliste puisque le coût de la vie augmente et que les frais de fonctionnement sont à la hausse. Nous avons des partenaires extraordinaires, dont le ministère de la Culture et des Communications du Québec ou les villes de Saint-Constant et de Delson [où sont situées les installations du musée]. Notre rêve est d’être une institution muséale reconnue par le gouvernement du Canada. Actuellement, le fédéral participe énormément à notre financement, mais par le soutien de projets particuliers et non sur son financement général. Q Comme autre enjeu, vous mentionnez le désir de revoir la collection du musée. Qu’est-ce que cela signifie exactement? R Notre musée compte plus de 160 véhicules ferroviaires, 10 000 artéfacts reliés à l’histoire du chemin de fer et 367 fonds d’archives. Cette collection nous pose des défis parce qu’il faut la conserver et la mettre en valeur. Je n’ai pas le choix d’offrir un environnement de conservation qui réponde aux normes muséales pour préserver cette collection. Il y a un prix à ça. Certains de nos édifices sont vieillissants. Une bonne partie de nos véhicules sont à l’abri, mais d’autres se retrouvent à l’extérieur. L’idéal serait de tout garder dans un bâtiment à environnement contrôlé, ce qui est actuellement impossible. Pour les trois prochaines années, nous allons procéder à une réévaluation de notre collection. Le conseil d’administration devra décider ce qu’il adviendra de certaines pièces. Est-ce qu’on va aliéner des objets? Peut-être. Mais il y a plein de musées qui sont dans la même situation que nous. Q Vous parlez de nouvelles infrastructures à venir pour le musée. Est-ce qu’une nouvelle construction est en vue ? R On aimerait mettre sur pied un projet structurant qui pourrait être l’ajout d’un nouvel édifice. Nos derniers grands projets structurants ont été la construction du pavillon Angus en 2004 et la rénovation et l’aménagement de l’édifice Hays en 2011. On est dû! Il pourrait s’agir aussi d’agrandir ou de rénover un des pavillons, soit pour l’accueil des visiteurs ou celui des véhicules. On ne le sait pas encore. Un comité sera formé et ce projet se fera en s’adjoignant des partenaires. Q De quelle manière comptez-vous offrir une «expérience exceptionnelle» aux visiteurs ? R Nous sommes en compétition avec des organismes, des commerces, des centres commerciaux. Il faut se renouveler. Nous ne sommes pas tout seuls. Nous désirons innover l’expérience que constitue la visite de notre musée. Ça pourrait être l’aménagement d’une aire de jeux pour les enfants, comme environ 75% de nos visiteurs sont de jeunes familles. Les parents ont besoin de sentir que leurs enfants font de belles découvertes dans un endroit agréable et sécuritaire. Il y a d’autres activités qu’on pourrait aussi créer pour y arriver. Et il ne faut pas non plus oublier les personnes âgées. On veut améliorer le confort des visiteurs. Q Vous affirmez vouloir attirer d’autres publics au musée. Qu’entendez-vous par là ? R On est toujours catastrophé de constater qu’il y a des gens en Montérégie qui ne nous connaissent pas. Pourtant, nous sommes présents depuis 1961. Ça nous rend fous! [rires] Il faut trouver de quelle manière se démarquer. Ce qui est drôle, c’est qu’à l’étranger, nous sommes connus, que ce soit dans les pays scandinaves, en Allemagne, en Australie ou en Nouvelle-Zélande. On a déjà reçu l’ambassadeur d’Israël. Je lui ai demandé comment il connaissait notre musée; il m’a répondu que c’était par l’intermédiaire de l’ambassadeur de Suisse! Q La main-d’œuvre, particulièrement celle des bénévoles, est incontournable et sa rétention fait partie de vos défis. Pourquoi ? R Les bénévoles sont essentiels pour Exporail. On pourrait choisir de ne pas mettre en marche nos véhicules ferroviaires et laisser les trains stationnés. Il y a des musées ferroviaires où l’on ne fait que visiter. Mais nous, on fait des balades sur le chemin de fer miniature, on fait rouler le tramway et on opère les véhicules diesel électriques. J’ai besoin de cette expertise unique de nos bénévoles. Le musée a été fondé par eux. Ce sont ces gens passionnés qui sont membres de l’Association canadienne d’histoire ferroviaire. Ils ont collectionné les archives, des véhicules destinés à la ferraille, les ont amenés ici et restaurés. Ce sont eux qui ont créé ce musée! Q Maintenir ce savoir-faire des bénévoles est-il source de préoccupation pour le musée ? R C’est tellement un enjeu qu’il est inscrit dans notre planification stratégique. Il nous faut travailler à renouveler notre contingent de bénévoles en s’assurant que le savoir des plus âgés demeure. Nos bénévoles ont une expertise absolument incroyable. Ils ont une connaissance de l’historique de l’institution. Et cette connaissance nous aide à planifier notre développement. Pour l’entretien des tramways, par exemple, on a créé un programme d’entretien et de formation il y a cinq ans. Ça nous a permis de savoir qu’est-ce que ça prenait pour former un opérateur de tramway, de voir comment nous pourrions renouveler l’interprétation de son histoire auprès des visiteurs. Même chose pour l’entretien du tramway. Tout a été consigné sur papier. Il y avait déjà ce souci de persévération. Même chose pour les opérations de la locomotive à vapeur. Q Ce souci de rétention s’applique-t-il aussi pour des postes rémunérés ? R La rétention des employés constitue un enjeu majeur. Si jamais quelqu’un dit non à cette affirmation, je voudrais bien connaître sa recette! Il y a eu des départs à la retraite, des congés de maternité, etc. Recruter quelqu’un, c’est un processus qui peut prendre du temps, ça coûte des sous, il faut former l’employé. On a beaucoup de difficulté à recruter. Trouver un appariteur pour nos salles ou des guides-animateurs peut parfois être difficile. On est confronté nous aussi à une pénurie de main-d’œuvre.