Lait: 345 M$ en compensations cette année

Un texte de Julie Mercier - Collaboration spéciale de La Terre de chez nous Les quelque 11 000 producteurs de lait du Canada se diviseront 1,75 G$ - dont 345 M$ cette année - en guise de dédommagement pour les accès à leur marché intérieur concédés par Ottawa dans les ententes de libre-échange avec l’Union européenne et les pays de la zone transpacifique. Le 16 août, la ministre fédérale de l’Agriculture Marie-Claude Bibeau a fait l’annonce de ce qu’elle a appelé des «compensations pleines et équitables». Détail des versements Pour la première année, les compensations seront versées sous forme de paiement direct par la Commission canadienne du lait en fonction du quota détenu par chaque ferme laitière pour un soutien approximatif de 315$/kg de matière grasse. Le Québec détient 36% de la production nationale. Le versement devrait être fait d’ici la fin de l’année. Les modalités pour les sept années subséquentes du programme n’ont pas encore été déterminées. Autant la ministre que les représentants des producteurs laitiers s’entendaient pour dire qu’il aurait été préférable qu’aucune concession au marché sous gestion de l’offre n’ait été incluse aux récents traités de libre-échange plutôt que de dédommager financièrement les agriculteurs du pays. «Aucune autre part de marché laitier ne sera cédée dans les prochains accords que nous négocions», s’est engagée Marie-Claude Bibeau. D’ailleurs, à plusieurs reprises lors de l’annonce, la ministre a fait l’apologie du système de gestion de l’offre. Les 1,75 G$ annoncés concernent les pertes liées à l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG) et au Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP). Le programme ne dédommage cependant pas les producteurs pour les dernières concessions accordées aux États-Unis dans le cadre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). La ministre a toutefois promis de dédommager les éleveurs «pleinement et équitablement» pour leurs pertes une fois cette entente ratifiée. Réaction des producteurs Bien que satisfait de l’aide financière annoncée, le président des Producteurs laitiers du Canada Pierre Lampron estime qu’«il ne faut pas que ça s’arrête là». «C’est un bon geste, mais on va suivre le gouvernement de près», a-t-il soutenu. Le dirigeant a rappelé que le lien de confiance avec le fédéral était à rebâtir. «Les producteurs vont le croire quand ils vont voir le chèque. Ils ont été échaudés», a-t-il ajouté. Pour sa part, le président des Producteurs de lait du Québec Bruno Letendre a promis d’être «extrêmement vigilant pour la suite des choses». Il accueillait favorablement le soutien annoncé, jugeant qu’il représente un «compromis acceptable» par rapport aux pertes réclamées par l’industrie. Celles-ci se chiffrent à 237 M$/année (AECG et PTPGP seulement), selon les données des Producteurs laitiers du Canada. Les autres secteurs Les détails des compensations aux autres secteurs sous gestion de l’offre, soit les œufs et les volailles, feront l’objet d’une annonce ultérieure. Le président de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec Paulin Bouchard voit cette première annonce d’un bon œil puisque «leur tour» va venir rapidement. «On comprend que le gouvernement ait commencé par les producteurs de lait [étant donné l’impact des derniers accords commerciaux]. On voit ça positif, car il semble annoncer de vrais sous. C’est encourageant pour nous, de voir que ça progresse. On pense qu’on serait traités équitablement nous aussi», a-t-il indiqué. De leur côté, les producteurs de lait de chèvre et de brebis ne toucheront pour l’instant aucune compensation, et ce, malgré la compétition accrue des importations de fromages européens prévues à l’AECG. Les transformateurs de lait, d’œuf et de volailles restent aussi sur leur appétit, mais la ministre Bibeau a affirmé qu’ils ne seraient pas oubliés. Saveur électorale Depuis l’annonce des compensations dans le budget de mars, les libéraux promettaient d’en dévoiler les modalités de versement en juin. La ministre Marie-Claude Bibeau a expliqué ces délais par la «grande complexité» du dossier, se défendant du même souffle d’en faire une annonce à saveur électorale. Néanmoins, la députée de Compton-Stanstead a profité de sa sortie médiatique - effectuée dans sa circonscrption - pour décocher quelques flèches à l’endroit des conservateurs. De plus, au cours des dernières semaines, elle a multiplié les annonces, notamment dans les secteurs des pommes, des cerises, de la transformation alimentaire, de l’apiculture et de l’accès aux marchés. Quant à savoir si l’aide promise risquait d’être reléguée aux oubliettes après le scrutin fédéral du 21 octobre , Marie-Claude Bibeau s’est faite rassurante. «Je ne peux pas prendre de décisions pour le prochain gouvernement, mais on a l’intention de livrer la marchandise quand on va revenir», a-t-elle déclaré.   EN CHIFFRES

• Enveloppe laitière totale: 1,75 G$
• Aide promise pour 2019: 345 M$
• 315$/kg de quota

(Source : Agriculture et Agroalimentaire Canada)