Portraits

Immersion dans la «vie tootelienne»

le lundi 06 mai 2019
Modifié à 15 h 57 min le 06 mai 2019
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

PORTRAIT. Télétravail, accès à huit semaines de vacances dès l’embauche, horaires flexibles, milieu de travail où la collaboration et la communication sont mises de l’avant; voilà ce qu’a à offrir Tootelo Innovation, alliance d’intraprises d’innovation et technologie de l’information située à Boucherville. Ici, les facteurs d’attraction deviennent facteurs de rétention. Entrevue avec la directrice des communications & tribu Chantal Dauray. Q Comment attirer les candidats chez Tootelo? R Plusieurs sont attirés par la flexibilité, que ce soit avec le télétravail ou la flexibilité d’horaires, pour une meilleure conciliation travail/famille. Cette philosophie, axée sur les valeurs de partage, de progression, de respect et d’équilibre, était là dès le départ. Tootelo veut être une entreprise modèle, fondée sur la responsabilité sociale. C’est ce qui m’a attirée ici il y a un an. J’ai été à mon compte pendant 22 ans. Si j’allais en entreprise, ça devait être une entreprise hors de l’ordinaire, atypique. Il y aussi une grande diversité chez nos employés; on compte des étudiants, des parents. Ida, qui a plus de 70 ans, travaille de la maison! C’est arrivé qu’un employé soit embauché et que tout de suite après, sa conjointe a intégré l’équipe. Q Vous proposez vraiment huit semaines de vacances par an dès l’embauche? R Dès l'embauche, chaque employé a droit à huit semaines de vacances, dont six peuvent être troquées en salaire, REER, achat d'actions, etc. Après trois ans, ce nombre passe à neuf, puis à dix après cinq ans. Cette rémunération flexible, appelée le Fonds Tootamoi, est conçue pour s'adapter aux besoins et à la réalité de chacun. Q Comment une telle mesure peut être rentable? R Le président Benoit Brunel a fait un calcul simple. Il s’est demandé: si je donne 2%, seront-ils 2% plus productifs? Et la réponse est oui. Ils seront plus reposés, plus heureux. Ça se paie tout seul. Q Comment est favorisé le travail collectif? R Le lieu est pensé pour favoriser la communication. Il n’y a pas de bureau fermé, même pas pour le directeur. On dit souvent «roule ta chaise» pour inciter les échanges. Personne n’a de place assignée, mais les équipes auront tendance à se regrouper, pour faciliter le travail. Tout le monde est invité à parler à tout le monde. On invite les employés à proposer des idées. Les salles de réunion sont pensées afin que tout le monde puisse se voir, échanger. Q Qu’est-ce que les «spots»? R On essaie de trouver les forces de chacun. Ce sont des rôles dans l’équipe, où le talent est mis de l’avant. Un employé peut cumuler plusieurs «spots», en fonction de ses aptitudes et expériences. Il peut aller chercher deux heures de telle responsabilité, de tel «spot». Par exemple, Stéphanie est une nutritionniste, qui faisait du service à la clientèle pour des compagnies comme Danone. Aujourd’hui, elle fait du UX Design pour la plateforme Bonjour-Santé. Elle est aussi responsable du Cercle mieux-être. Ça permet de plus de tester de nouvelles expertises, voir si on aime ça. Et ça facilite aussi le remplacement pour les vacances. Si je pars en vacances, il n’y a pas une personne qui me remplace, mais plusieurs qui feront diverses de mes tâches. De la même façon, on va chercher les forces de chacun dans les activités sociales. Par exemple, on a eu l’idée de proposer des ateliers de méditation. On a lancé un appel, et un programmeur a levé la main; il avait une expertise là-dedans. Q Pourquoi la notion de «tribu» est mise de l’avant? R Tribu, ça réfère au vivre ensemble. On veut s’assurer que nos employés soient heureux. Avec la plateforme Office Vibe, on pose des questions sur le climat de travail, le niveau de stress, etc. On veut savoir comment vont les équipes. On prend le pouls de ce qui se passe. Ce sont les chefs d’équipe qui répondent et on peut apporter des correctifs aux «petites roches dans le soulier». Je crois que c’est aussi un bon moyen de rétention. Q Pourquoi n’y a-t-il pas de département «conventionnel» de ressources humaines, mais plutôt un de «développement humain»? R Benoît Brunel a pensé à un nouveau modèle, pour que chaque intraprise puisse gérer, avec notre aide. C’est divisé entre les services aux employés. Nous sommes de plus à implanter un programme, les sherpas. Comme il n’y a pas de RH au sens classique, lors qu’il y a de nouveaux employés, c’est la «tribu» qui doit répondre. Des employés avec plus de trois ans d’ancienneté pourront répondre à toutes les questions des employés, actuels comme nouveaux. Q Y a-t-il un risque que des candidats soient attirés avant tout par le milieu et les conditions plutôt que le poste? R Il y a un tri serré qui se fait lors du recrutement. Le candidat doit avoir les compétences. Car le travail en soi, pour être programmeur par exemple, ce sont les mêmes exigences qu’ailleurs. Et ça reste un milieu de travail, on exige de la performance. Il n’y aura jamais de glissade. On n’est pas chez Google! Q Est-ce que ce type de milieu de travail convient à tous? R Nous disons souvent que dans le processus de recrutement, «on se choisit». L’employé choisit notre culture et notre façon de faire. Il doit être à l’aise dans un environnement en croissance, où les choses bougent vite. Si tu as besoin d’être très encadré, tu pourrais te sentir étourdi. On est beaucoup dans l’agilité, toujours à l’affut des opportunités. On peut sortir une idée, et le lendemain, c’est fait. Il faut savoir se retourner sur un 10 sous. Ça implique donc une agilité, une tolérance à l’erreur. Pour le centre d’appels par exemple, on cherche des personnes avec une volonté d’aider les gens, de trouver des solutions. Tu dois par exemple être capable de ne pas prendre les choses personnelles. Q Quels sont les exemples de mesures écologiques mises de l’avant? R Nous sommes un bureau sans papier. Avec 175 employés, il n’y a qu’une seule imprimante. Nous sommes munis de Rocketbook. C’est un défi! Avec des supports à vélo intérieurs et extérieurs, on favorise le transport actif. Puis, offrir le télétravail permet aussi de réduire le nombre d’employés qui se déplacent en voiture pour se rendre au bureau. Chacun peut faire jusqu'à 60% de son temps en télétravail.     Qu’est-ce que Tootelo? Tootelo est une alliance d’intraprises dont elle est propriétaire, soit Bonjour-Santé, la Polyclinique Levasseur, Telmatik (impartition de service en réception d’appels), Immocontact (système de communication et de gestion des demandes de visites dans le domaine de l’immobilier), Fusium Solutions (service à la clientèle spécialisé dans les secteurs de l'alimentation et transports) et Bonjour-Santé Média qui opère un réseau d'affichage de contenu éducatif, publicitaire et de divertissement dans les cliniques médicales. En plus d’un centre d’appels, Tootelo emploie des développeurs informatiques et programmeurs, qui travaillent par exemple à la plateforme en ligne de rendez-vous Bonjour-Santé. La notion d’innovation guide grandement les actions de l’entreprise. Elle s’est d’ailleurs portée acquéreur de la polyclinique Levasseur, à Saint-Léonard. «On voulait tester des nouveaux algorithmes et plateformes informatiques, et dans le système de la santé, disons qu’il y a beaucoup de résistance au changement. Alors on a essayé de travailler en partenariat avec des cliniques pour respecter leur contexte, pour que ça devienne une plus-value pour eux. Et on s’est dit : achetons-en une!», explique Chantal Dauray. Des tests sont donc effectués à cette clinique, avant d’être implantés ailleurs. Ailleurs. Des projets de télémédecine sont dans les cartons. Puis, dans une trentaine de cliniques, un algorithme développé par la division intelligence d’affaires – au service de toutes les intraprises – a permis de réduire le temps d’attente de 20 minutes. Les personnes inscrites reçoivent un message texte lorsque l’algorithme prévoit qu’il y a du retard. «Ç’a créé des impacts évidents. On est en train d’offrir ça ailleurs dans le domaine de la santé et dans d’autres industries.» Parmi les 175 employés chez Tootelo, 63% sont des femmes; 56% ont moins de 40 ans, 17% ont plus de 54 ans; 15% ont 12 ans et plus d’ancienneté; et 25% ont 6 ans et plus d’ancienneté. Le taux de roulement volontaire est d'environ 12%, assujetti à l'une des intraprises, Telmatik, qui regroupe beaucoup d'étudiants.