Portraits

Groupe Meloche: le défi d’une PME québécoise dans le monde de l’aéronautique

le mercredi 13 juin 2018
Modifié à 0 h 00 min le 13 juin 2018
Par Mario Pitre

mpitre@gravitemedia.com

Hugue Meloche a l’âge de la compagnie qu’il dirige: 44 ans. Mais c’est sous son leadership que l’entreprise jadis fondée par son père a pu se développer de manière à devenir un joueur important de l’industrie aéronautique au Québec. Q Comment votre entreprise est parvenue à passer de l’usinage industriel au secteur de l’aéronautique de calibre international? R Depuis 44 ans, l’entreprise a œuvré dans plusieurs secteurs. On a fait de la maintenance dans l’industrie textile, à l’usine Goodyear, et par la suite, on a produit des pièces pour l’industrie automobile et les télécommunications. C’est à la suite d’une réflexion stratégique menée en 2005-2006 qu’on s’est réorienté vers l’aéronautique, où on percevait un bel avenir. On a signé un premier grand contrat en 2008 avec Bombardier. Aujourd’hui, on ne fait que de l’aéronautique. Tout ce qu’on voit sur le plancher ici, ça va sur un avion. Q Groupe Meloche possède deux sites d’opération à Salaberry-de-Valleyfield et à Bromont. Ont-ils chacun leurs particularités? R À Salaberry-de-Valleyfield [175 employés], on dispose de trois usines regroupées, où on mène des activités de fraisage multiaxe, beaucoup d’aluminium, mais aussi des procédés chimiques comme la peinture et différents tests non-destructifs. Notre usine de Bromont [25 employés] est davantage spécialisée dans les pièces de tournage et les métaux durs. Q Qui sont vos principaux clients? R Notre plus grand client est GE Aviation. On travaille aussi avec UTC [maison mère de Pratt & Whitney], la française Safran, Bombardier et certains de ses fournisseurs, comme Mitsubishi et Triumph, entre autres. Q Qu’en est-il de la compétition dans votre secteur et comment arrivez-vous à vous différencier? R La compétition est mondiale. De plus en plus, lorsqu’on soumissionne sur un projet, les compétiteurs sont ailleurs dans le monde. C’est souvent de plus grands joueurs que nous. On se distingue par le fait qu’on est un intégrateur; on ne fait pas seulement l’usinage, on est capable de faire de l’ingénierie, des procédés spéciaux, on a un département d’innovation qui nous permet de faire de la R&D. On est en mesure d’accompagner nos clients et d’avoir une relation de partenariat avec eux, non seulement de client fournisseur. Q Le recrutement de main-d’œuvre constitue un problème majeur au Québec. Avez-vous développé des mesures à cet égard? R Historiquement, Meloche a toujours eu un taux de roulement des employés assez bas. Mais depuis un an, le marché a drastiquement changé, on se bat pour aller chercher de la main-d’œuvre alors qu’on est en grande croissance. C’est notre défi numéro un. Alors, on a parti un grand projet appelé Embarquement qui comprend quatre axes: on a réaménagé nos quarts de travail, on a augmenté nos salaires pour être plus compétitifs tous secteurs confondus, on a ajouté des primes assez importantes pour les quarts de travail moins attrayants et on a fait appel à une firme de marketing RH, de même qu’à divers organismes, pour attirer la main-d’œuvre immigrante. Des mesures sont aussi menées pour attirer plus de femmes dans l’usine. Q Comment pensez-vous être perçu par vos employés? R Je pense que nos employés ont une bonne perception de Meloche et c’est important car ce sont nos principaux ambassadeurs. Ce sont eux qui, souvent, nous réfèrent les meilleurs candidats. Q De quoi êtes-vous le plus fier dans votre cheminement professionnel d’entrepreneur? R Je crois que ce dont je suis le plus fier, c’est d’avoir déployé une stratégie pour nous positionner dans l’aéronautique et, contre vents et marées, d’avoir persévéré, car on commence aujourd’hui à en recueillir les fruits. L’aéronautique est un secteur qui demande beaucoup d’investissements mais où la récompense ne vient pas rapidement. Il faut avoir une vision à très long terme, il faut que tu y croies et que tu embarques le monde avec toi. Parfois, je me fais challenger par nos investisseurs mais je réussis à les convaincre qu’il faut être patient. Q Quelle est votre vision d’avenir pour Groupe Meloche? R Avec un chiffre d’affaires d’environ 60 M$, on représente une moyenne entreprise au Québec, ce qui est néanmoins petit dans le monde de l’aéronautique. Notre vision, c’est de grandir en examinant les opportunités d’acquisition au Québec, en Ontario ou aux États-Unis. Q Votre travail vous amène à voyager à l’étranger. Est-ce que cela représente un défi au plan de la conciliation travail-famille? R Non, j’ai toujours fait très attention à cela. C’est sûr que j’aurais plein d’occasions de me déplacer et d’aller à 36 millions de 5 à 7, mais je suis assez raisonnable là-dessus. La famille, c’est important, et je compte sur une bonne équipe pour nous représenter où que ce soit. Meloche, ce n’est pas l’œuvre d’un seul homme, c’est un travail d’équipe.     Un bel exemple de relève en affaires Si l’entreprise fondée en 1974 par Réjean Meloche a été en mesure de persévérer et de se tailler une place de choix dans l’industrie aéronautique, c’est aussi parce que le paternel a eu le flair et la vision d’assurer une relève bien structurée à son entreprise. Aujourd’hui, ses trois enfants occupent leur place au sein de l’entreprise. Hugue Meloche occupe le poste de pdg, sa sœur Anne-Renée est vice-présidente Ressources humaines et communications, et son frère Vincent est directeur Nouveaux programmes et optimisation des coûts. «Dès 2004 environ, au moment où j’arrivais dans l’entreprise, mon père a eu le flair de faire appel à une firme spécialisée en relève familiale, ce qui n’était pas encore à la mode à ce moment-là, raconte Hugue Meloche. C’était un homme qui n’aimait pas la chicane et il voulait que la transition s’effectue dans l’harmonie.» Sous les conseils de ces consultants, les Meloche ont créé une structure pour l’entreprise et la famille, pour faire en sorte que la business et les affaires personnelles n’interfèrent pas entre elles. De plus, dès le début de cet exercice, le groupe a mis du temps pour établir les valeurs de base de l’entreprise. Un socle vers lequel ses dirigeants se tournent lorsque des décisions d’affaires difficiles doivent être prises. Incidemment, Réjean Meloche conserve toujours un poste au sein du conseil d’administration, à titre de président honoraire du conseil et fondateur de Groupe Meloche.