Portraits

Gousto Bistro: la recette du succès d’Aurélie Siles et Gianfranco Di Nisio

le lundi 09 décembre 2019
Modifié à 10 h 15 min le 09 décembre 2019
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Arrivés au Québec en 2006, Aurélie Siles et le chef Gianfranco Di Nisio ont quitté les restaurants et grands hôtels de Montréal pour ouvrir leur propre restaurant, Gousto Bistro, en septembre 2013, au cœur du Vieux-Longueuil. Ce couple a vraisemblablement trouvé la recette du succès, alors que la réputation de ce bistro de quartier n’est plus à faire. Comment est né Gousto Bistro? Gianfranco: Ce n’est pas ma première business. En Italie, mon père avait un commerce à louer et j’y ai ouvert un bar. On ouvrait tôt, à 5h! À 18 ans, c’était dur! Plus tard, j’ai eu un café avec un ami. C’était mon rêve d’avoir un restaurant. Aurélie: Ici, ç’a été un local vide pendant très longtemps. On habitait dans le secteur et notre rêve était de créer un bistro de quartier, comme on a en Europe. On a tous les deux habité dans un village où il y avait toujours un bar ou un petit café où les gens du quartier se retrouvaient, où on mangeait bien, où les proprios étaient très avenants. On a approché la propriétaire. Elle était très frileuse: c’était un local maudit! Il y avait eu quatre faillites avant. Tout le monde disait que ça ne durerait pas. Quand on a serré la main et signé le bail, on a dit: «on vous promet que ça va marcher». Comment se sont déroulés les débuts? Gianfranco: C’était beaucoup de travail. Les premiers jours, ce n’était que moi et ma femme, on pleurait presque! Elle était toute seule en avant, j’étais tout seul en arrière. Quinze clients en une journée, on terminait à 1h du matin. Jusqu’à l’été 2014, c’était très difficile. Aurélie: Dès qu’on ramassait un peu de sous, au lieu de mettre un mur blanc, on installait une murale, on changeait les chaises, les tables, tranquillement. Au début, on n’avait pas assez de verres; on allait chez nous en chercher! Gianfranco: Je faisais tellement d’allers-retours que sur Google Maps, on me voit, en route entre le restaurant et la maison! Aurélie: Nos enfants étaient tout petits, ils dormaient derrière le comptoir. Ils étaient avec nous tout le temps. Gianfranco leur avait construit une petite cabane en bois, avec des sièges. Aujourd’hui, des clients les voient et leur disent: «Vous avez grandi». Eux se demandent: «Comment tu me connais, toi?» Vous attendiez-vous à un départ si ardu? Aurélie: Oui, mais pas autant. Cela faisait six ans qu’on était au Québec, on avait appris la mentalité, mais ce n’était pas la même chose. Au début, des gens entraient l’hiver à 16h30 et je leur demandais ce que je pouvais faire pour eux. Ils venaient manger. Je disais à Gianfranco: «Il faut qu’ils mangent, il est 16h30!» Mais on ne comprenait pas, on mangeait à 19h30. Il a fallu qu’on s’adapte. Fidéliser la clientèle, c’était ma force; la bonne nourriture, c’était la sienne. Le travail d’équipe fait que tranquillement, on y est arrivé. Au bout d’un an, Guillaume Pellan, que Gianfranco connaissait très bien, s’est joint à nous, dans la cuisine. Il nous a beaucoup aidés. Comment Gousto Bistro se distingue, selon vous? Gianfranco: J’ai une équipe solide, des gens qui ont beaucoup d’expérience déjà, et on fait tout à la minute. Les escalopes sont préparées et panées à la minute. Ça prend plus de temps, mais la fraîcheur, le goût est là. Il n’y a pas beaucoup de cuisine comme la nôtre. Des amis restaurateurs sont venus voir comment je préparais ma ligne. Tous m’ont dit: «Ta ligne est fantastique». Ç’a pris deux ans de planification. On a tout enlevé, laissé les murs bruts. J’ai construit ma propre cuisine pour ce que soit fonctionnel. C’est petit, mais tout y entre. Beaucoup de monde a ouvert des restos, a mis tout l’argent en avant, blingbling, mais la cuisine a 40 ans. Tu ne peux pas travailler comme ça. Aurélie: Il n’y a pas de compromis sur les produits frais et locaux. Gianfranco, sur la qualité, il ne baissera jamais. Gianfranco: On la monte! Être restaurateur, c’est ça: tu es toujours à la recherche de nouveaux produits. Si tu achètes des sauces toutes prêtes, tu n’es plus restaurateur, tu es un commerçant. Gousto Bistro compte aujourd’hui une dizaine d’employés. Avec la pénurie de main-d’œuvre qui sévit actuellement, comment vous en tirez-vous? Aurélie: Pourquoi nos employés restent longtemps? On leur donne un sentiment d’appartenance. C’est comme une petite famille. Ils ont tous des enfants, on est très conscient de ça. Et personne ne va dire qu’il est malade si ce n’est pas vrai. On travaille la transparence. C’est notre philosophie. Gianfranco: Ce n’est pas facile de trouver, mais il y en a... Aurélie: Mais il faut leur donner des sacrés avantages. De bons salaires, de bonnes conditions. En restauration, ce sont de longues heures. Gianfranco: Il faut être là, travailler avec eux. On est toujours là, tous les jours, ou presque. Si on n’est pas là, c’est parce qu’on a rendez-vous avec des fournisseurs, le comptable, etc. On travaille toujours, mais c’est ça, l’entrepreneuriat. Avez-vous d’autres projets pour Gousto Bistro? Aurélie: On souhaiterait évoluer, faire un «bébé Gousto» et développer encore plus les plats pour emporter et le service de traiteur. Il faut en informer les gens; ils peuvent venir chercher pour manger à la maison.   Coup d’oeil sur le parcours d’Aurélie et Gianfranco Aurélie Siles est originaire du sud de la France, Gianfranco Di Nisio de la région des Abruzzes, en Italie. Ils se sont rencontrés en Angleterre. Tous deux ont étudié dans le domaine de la restauration et de l’hôtellerie et cumulent une vingtaine d’années d’expérience. Aurélie a notamment travaillé aux hôtels Intercontinental et Ritz Carlton de Montréal. Gianfranco a quant à lui œuvré entre autres dans de grands hôtels londoniens et grands restaurants italiens de Montréal. Un bagage essentiel à leurs yeux, car... «il faut être restaurateur pour ouvrir un restaurant».