Éviction de logements: le moratoire bien accueilli
Le projet de loi déposé le 22 mai par la ministre de l'Habitation, France-Élaine Duranceau, est généralement bien accueilli dans le milieu communautaire puisqu'il répond en grande partie à des demandes formulées depuis plusieurs années à cet égard.
Le projet de loi impose notamment un moratoire de trois ans sur les évictions de la part des locateurs et vient ainsi renforcer la protection des locataires aînés. Le projet de loi réduit également de 70 à 65 ans le seuil d’âge admissible pour ce genre de mesure. De plus, il augmente le revenu maximal à 125 % du revenu d’admissibilité pour un accès au logement à loyer modique.
« Le moratoire sur les évictions demeure une mesure temporaire, note toutefois Édith Gariépy, directrice générale de la Corporation de développement communautaire Beauharnois-Salaberry. On aurait préféré une mesure permanente et un meilleur encadrement des mesures d'éviction.»
Mme Gariépy déplore également que le projet de loi fasse abstraction des reprises de logement par le propriétaire pour sa famille. De plus, il aura un effet limité pour cette année puisque la plupart des avis d'éviction ont été signifiés en début d'année aux locataires concernés et que le moratoire est entrée en vigueur le 22 mai.
Quant au principe de la « loi Françoise David » qui protège davantage les aînés, Mme Gariépy souligne qu'il ne touche aux Résidences privées pour aînés (RPA) dans un contexte où l'on observe de nombreuses fermetures depuis la dernière année.
Pour Marco Monzon, directeur général du Comité Logement Rive-Sud, ce projet de loi se veut «un pas dans la bonne direction, ça démontre un signe d'ouverture du gouvernement et il nous faut saisir cette occasion.»
Lui aussi estime qu'il y a certains éléments à clarifier, notamment à l'égard des reprises de logement. « Au Comité, on a été en mesure de constater que les reprises de logement sont devenues des façons de faire utilisées à mauvais escient par certains propriétaires, uniquement pour sortir le locataire de l'immeuble. Il faut s'assurer que la loi comporte des protections supplémentaires pour les locataires et des mesures disciplinaires fortes pour les propriétaires qui dérogent.»
M. Monzon ne crie pas encore victoire totalement et souhaite que la ministre se montre ouverte aux recommandations faites à cet égard d'ici l'adoption de la loi.
Du côté des propriétaires d'immeubles à logements, la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) a réagi au dépôt du projet de loi 65 en se disant «tout à fait en accord avec les principes de protection des droits des aînés». La Corporation dit comprendre que le maintien à domicile fait partie des solutions pour permettre une vie autonome et sociale saine aux aînés du Québec.
« Les 65 ans et plus sont des locataires bienvenus et très appréciés par les propriétaires. L'âge n'est jamais un facteur de discrimination », affirme Éric Sansoucy, président de la CORPIQ.
On note par contre que le projet de loi ne traite pas la question des locataires en perte d'autonomie qui peuvent représenter un danger pour eux-mêmes ou le voisinage.
La Corporation estime que, si une personne âgée peut être apte à habiter seule en début de location, il se peut que ses conditions de santé, physique ou mentale, se détériorent au fil du temps. Elle fait valoir que lorsqu'une personne n'est plus apte à vivre seule, et que des adaptations majeures doivent être apportées au logement, c'est au gouvernement de financer les modifications au logement ou carrément d'offrir une alternative comme les ressources intermédiaires.