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Entre Pomerol et Saint-Émilion : Lalande-de-Pomerol et le Château Perron

le vendredi 19 août 2022
Modifié à 9 h 54 min le 19 août 2022
Par Jessica Harnois et Mariève Isabel

marieve.isabel@mail.mcgill.ca

Bouteille du Château Perron. (Photo: Mariève Isabel)

Certains mots résonnent peut-être à vos oreilles quand vous pensez à Bordeaux, comme ‘Médoc’, ‘Margaux’, ‘Pomerol’ ou encore ‘Saint-Émilion’. Bordeaux est une région riche qui recèle de trésors à découvrir. À preuve, elle compte 60 appellations, incluant Lalande-de-Pomerol. Cela en fait la plus grande région viticole de France.

Ce qui rend la région de Bordeaux si complexe est entre autres ses divisions et sous-divisions. Cinq sous-régions partagent l’espace bordelais : le Médoc, les Graves, l’Entre-deux-Mers, la Rive-Droite (ou Libournais) et le Sauternais. Chacune se redivise ensuite en une dizaine d’appellations, parfois plus. Normal qu’on s’y perde un peu.

Dans cet article, nous vous proposons de nous attarder sur la Rive-Droite, plus précisément dans Lalande-de-Pomerol, où se trouve le Château Perron. À la manière de Google Earth, nous allons zoomer de plus en plus près du lieu et de ses vignes.

Premier zoom : la Rive-Droite

C’est entre la Gironde et la Dordogne – deux rivières qui séparent la région bordelaise – qu’on retrouve la grande sous-région de la Rive-Droite (qui est la rive droite de la Gironde). La sous-région se divise encore en plusieurs petites régions qui donnent lieu à autant d’appellations.

Si certaines de ces appellations sont incontournables lorsqu’on parle de vins bordelais, comme Pomerol et Saint-Émilion, on aurait tort de ne pas explorer les autres appellations parfois moins connues. Elles proposent des vins souvent moins chers, certes moins prestigieux, mais tout aussi qualitatifs. Un bel exemple est le Révélations d’Hubert de Boüard Château Moulin Neuf à 18,25$, de Blaye – Côtes de Bordeaux. Comme nous le verrons, l’appellation Lalande-de-Pomerol nous réserve elle aussi de belles surprises.

Deuxième zoom : Lalande-de-Pomerol

Concentrons-nous maintenant sur l’appellation Lalande-de-Pomerol, coincée entre Pomerol et Saint-Émilion. C’est ce qu’on appelle une appellation-satellite, dans ce cas-ci, un nom associé à Pomerol. Situé sur la route de Saint-Jacques de Compostelle, Pomerol est la région du célèbre Château Pétrus, considéré comme l’un des plus grands vins au monde, mais aussi un des plus chers. Une bouteille de Château Pétrus peut se vendre entre 2000 et 4000 euros!

Bien sûr, tous les Pomerol ne sont pas aussi chers; on en trouve à partir de 35$ à la SAQ, qui plus est de Jean-Pierre Moueix. En général, on comptera environ 50$ pour un Pomerol. Du côté de Lalande-de-Pomerol, les prix sont plus raisonnables : on en trouve une belle sélection dans les 30$.

Cette appellation bordelaise existe depuis 1936. Elle ne désigne que des vins rouges, dans lesquels le merlot domine, comme sur la Rive-Droite en général. À ce cépage-roi s’ajoutera parfois du cabernet sauvignon, du cabernet franc, du malbec, du carménère et du petit verdot, les trois derniers étant utilisés en moindre quantité.

Deux communes, Néac et Lalande-de-Pomerol, se partagent environ 1200 hectares dans lesquels on compte 230 viticulteurs. Malgré un climat normalement doux et tempéré, les dernières années n’ont pas toujours été faciles. Des gelées en 2017 puis en 2021 et une sécheresse en 2022 ont fait souffrir les vignes. Ainsi, les pieds plantés dans les cinq dernières années n’offrent pas les rendements auxquels les vignerons pourraient s’attendre. Là comme ailleurs sur le reste du globe, les changements climatiques, imprévisibles, affectent de plus en plus les cultures.

Troisième zoom : le Château Perron

Propriété de la famille Massonie depuis maintenant trois générations, le Château Perron est un important producteur de l’appellation Lalande-de-Pomerol. Auguste Massonie se porte acquéreur du domaine en 1958. Son fils Michel-Pierre Massonie continuera le développement et agrandira le vignoble en lui annexant quelques hectares. Aujourd’hui, les trois enfants de Michel-Pierre, Bertrand, Béatrice et Thibault, dirigent l’entreprise et travaillent de pair avec d’autres producteurs de la région, pouvant ainsi compter sur une superficie de 36 hectares pour produire leurs vins. Leur signature : des vins jeunes et frais produits dans le respect de l’environnement.

 

Bertrand Massonie en pleine démonstration! (Photo: Mariève Isabel).

Bertrand Massonie était de passage à Montréal en juillet. Pour lui, la conversion biologique allait de soi. Évoquant ses enfants, ses employés, la population bordelaise et le monde entier, il affirme que c’est la voie à prendre, malgré les difficultés. C’est compliqué à Bordeaux, explique-t-il, parce qu’il pleut aux cinq minutes! Malgré cela, la conversion est bien entamée et presque terminée. Les cuvées 2022 seront certifiées biologiques.

Pour y arriver, beaucoup d’ajustements ont été nécessaires. Les vignes ont reçu des soins visant à les rendre plus fortes, plus résistantes aux intempéries et maladies. Des employés expérimentés ont aussi été recherchés. Les rosiers au bout des vignes, qui servaient autrefois à annoncer le mildiou (un peu comme le canari dans la mine), ne sont plus en vogue; de solides connaissances doivent être acquises, de façon empirique s’il le faut.

La philosophie du Château Perron

M. Massonie voit l’élevage de la vigne comme l’élevage d’un enfant : on lui donne tout ce qu’on peut, mais un jour, elle doit pouvoir se débrouiller seule. Ainsi, si on dit généralement qu’il y a trois rôles d’importance égale pour faire du bon vin – une bonne terre, de bonnes vignes et un bon vigneron – il est plutôt d’avis que le vigneron ne joue qu’un rôle minime dans l’affaire et que le climat, pour sa part, compte pour beaucoup, beaucoup plus, nous rappelant par le fait même que l’être humain, même le vigneron, est bien petit devant les forces de la nature.

Du côté des vins, sa philosophie repose sur l’accessibilité : le but n’est pas de produire des vins de garde. Leur terroir leur permettrait certes de tels vins, mais ils ont plutôt choisi de faire des vins prêts à boire, quoiqu’ils puissent facilement se conserver 10 voire 15 années. Quand on est pris entre Pomerol et Saint-Émilion, mieux vaut se démarquer autrement.

Voici quelques-uns que nous avons pu déguster au restaurant Le Square, rue Prince-Arthur, toute jolie dans ses couleurs estivales, en compagnie de Bertrand Massonie.

Les vins dégustés lors de la soirée. (Photo: Mariève Isabel)

Chevalier Valette : pour s’initier à l’appellation

https://www.saq.com/fr/14634493 | 24,55 $

Le Chevalier Valette est un vin de négoce, c’est-à-dire que la famille Massonie achète des raisins à des petits producteurs locaux. Ces derniers n’ont pas toujours les outils marketing nécessaires pour exporter. Une telle collaboration leur permet d’écouler des raisins et de créer un vin coopératif. Élevé en cuves inox, c’est un vin de plaisir à boire en jeunesse. C’est officiellement le moins cher des Lalande-de-Pomerol au Canada, incluant la SAQ dépôt. Composé à 70% de merlot et 30% cabernet franc, il est tout indiqué pour s’initier à l’appellation. Car même si ce vin est le moins cher de sa catégorie, le Château Perron perpétue la confiance en l’appellation en proposant ce vin facile à boire, fruité et agrémenté d’une touche herbacée. Il est parfait pour accompagner des grillades sur le BBQ. Nous l’avons dégusté avec de la pieuvre grillée et c’était un accord des plus réussis.

Château Perron : en profiter quand ça passe

https://www.saq.com/fr/13622634 | 32,50 $

Il reste peut-être quelques spécimens de Château Perron ici et là dans quelques succursales de la SAQ, mais il vous faudra probablement attendre le prochain arrivage pour vous ruer sur ces vins. Entièrement produit au château du même nom, ce vin se veut déjà très raffiné, avec un fruit croquant et un bouquet légèrement boisé. Une touche herbacée apporte une fraîcheur à une finale soyeuse. Les Château Perron mettent habituellement 4 à 5 ans avant de se retrouver sur les tablettes, ce qui veut dire qu’on pourrait s’attendre à voir le 2017 arriver bientôt. On pourrait facilement le garder un autre 10 ans. Tout de même, il est à noter que c’est dans la fraîcheur et non dans la structure que se trouve l’intérêt de ce vin. D’ailleurs, les chroniqueurs présents ont pu essayer le 2010, une excellente année. La robe était à peine colorée de grenat. Quant au vin, il commençait à développer ses arômes tertiaires, soit une touche de sous-bois automnal et de tisane à la menthe. Gardez l’œil ouvert pour son arrivage en SAQ.

Château Perron La Fleur : un petit bonheur

Non disponible au Québec. Un jour peut-être…

Le dernier vin dégusté lors du passage de M. Massonie à Montréal a été le Château Perron La Fleur, 100% merlot. Issu de vieilles vignes de plus de 70 ans, ce vin était magnifique. Le 2012 avait un robe rubis intense avec une bouche toujours sur le fruit. Les millésimes 2013, 2010 et 2007 ont pu nous donner une brève idée de sa capacité à passer à travers les années.

Toujours un plaisir de déguster en bonne compagnie! De gauche à droite : Mélanie Frappier, notre collègue du Club de vins, Bertrand Massonie et Mariève. Merci à Mario Demers et à Bertrand Massonie pour la belle dégustation!