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Aider les entrepreneurs à vivre un transfert d’entreprise plus positif

le lundi 07 septembre 2020
Modifié à 14 h 46 min le 11 août 2020

«Apprendre à se tasser.» C’est souvent ainsi que le transfert d’entreprise a été perçu. Pourtant, l’expérience des entrepreneurs qui passent le flambeau peut être positive s’ils bénéficient d’un meilleur accompagnement dans leur réflexion. Marie-Josée Drapeau, professeure en management à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), s’est intéressée au processus qui amène les dirigeants de petites et moyennes entreprises (PME) à décider qu’il est temps de céder leur entreprise. Celle qui oeuvrait auparavant comme conseillère au développement dans un centre local de développement (CLD) a voulu mieux comprendre la réflexion des dirigeants. «On s’intéressait beaucoup au ‘‘comment faire’’ dans le processus de transfert, mais on ne s’intéressait pas beaucoup au ‘‘pourquoi’’ le dirigeant le fait», avait-elle alors constaté, il y a une dizaine d’années. Car l’expérience était souvent entourée d’une connotation négative. «Il faut qu’il apprenne à se tasser.» «Il faut qu’ils laissent leur place.» Ces phrases, entendues au sujet d’entrepreneurs se dirigeant vers la retraite, ont amené la chercheuse à vouloir comprendre comment tirer du positif de cette étape chargée en émotions. Tout repose sur la réflexion en amont, dit-elle. «Autant il faut que la réflexion soit mûrie, autant dans le processus, il faut se donner le droit de faire un transfert qui est à son image.» Une réflexion graduelle Les ponts n’ont pas à être coupés au sein de l’entreprise à la suite d’un transfert, que ce soit lors d’une vente à un repreneur ou d’un transfert familial. «Si on disait en tant qu’experts qu’il existe plusieurs façons de le faire et qu’il en existe où vous pouvez conserver un rôle dans votre entreprise, je crois que le message passerait plus», souligne celle qui a contribué à l’ouvrage collectif L’après inc. Ce petit guide pratique, lancé en mai, s’adresse directement aux entrepreneurs pour les outiller dans cette période de leur vie. Une réflexion graduelle quant aux options possibles permet ainsi d’éviter d’être frappé par un passage à vide, explique la chercheuse. Ou encore d’être contraint à prendre une décision précipitée, si la maladie frappe. L’expérience pourra alors être vue comme un transfert à la génération suivante, plutôt que la voir uniquement comme un deuil. Des outils à développer Mais comment susciter cette prise de conscience chez les dirigeants? Le réseautage entre entrepreneurs et des activités de sensibilisation portant sur la préparation de scénarios de sortie sont deux moyens d’y parvenir, estime la professeure. Elle a publié un article scientifique sur le sujet dans la plus récente édition de la Revue internationale PME, lequel est cosigné par Mariepier Tremblay, professeure en management à l’Université Laval. Des entretiens avec 15 dirigeants de la région métropolitaine de Québec et de Chaudière-Appalaches, secteurs où elle travaillait auparavant comme consultante, lui ont permis de constater que la situation financière de l’entreprise et le réseau du dirigeant jouent un rôle important dans la réflexion des entrepreneurs. Dans ce contexte, les ressources qui accompagnent les entrepreneurs doivent mettre l’accent sur les motivations et les objectifs liés au transfert pour les aider à cheminer. «Il faut aussi créer des endroits où les entrepreneurs peuvent se parler, insiste celle qui est professeure depuis environ un an à l’UQAC. Souvent, la parole d’un entrepreneur à un autre entrepreneur a plus de valeur.»   Un «bond de géant» de l'innovation attendu en raison de la crise Au-delà des fermetures et des difficultés vécues par les entrepreneurs, la crise sanitaire et économique aura aussi pour effet d’accélérer l’innovation. C’est ce qu’estime Marie-Josée Drapeau, qui s’attend à voir les innovations se multiplier dans le domaine des affaires. Selon elle, le monde des services et le secteur manufacturier, entre autres, sont appelés à subir plusieurs transformations. «Dans le chaos, en temps de crise, il y a toujours de la créativité qui ressort. Autant ça va donner naissance à de nouveaux modèles d’affaires qu’à de nouvelles façons de faire. Les gens ont accéléré certains projets qu’ils avaient. L’innovation devrait faire un bond de géant.» Le cycle économique impose aux entreprises de se réinventer pour survivre. L’imprévisibilité de la situation actuelle et la possibilité d’une deuxième vague de COVID-19 rendent ce défi d’autant plus difficile à relever pour les entrepreneurs. «[La crise] va durer longtemps. Mais longtemps, c’est combien de temps?», soulève-t-elle. Par ailleurs, la professeure s’attend à ce que les impacts de la crise sanitaire teintent les recherches en entrepreneuriat pendant quelques années. Texte de Myriam Gauthier - Initiative de journalisme local - Le Quotidien